- SMITH (W. E.)
- SMITH (W. E.)SMITH WILLIAM EUGENE (1918-1978)Gene Smith est la figure la plus légendaire du photojournalisme américain. Ses images et ses grands reportages unissent une forme expressive dramatique à une humanité extrême des thèmes, et ses méthodes de travail l’ont amené à étudier en profondeur ses sujets avant de prendre des photos: il y consacrait parfois plusieurs années de sa vie. Il faut souligner enfin son éthique sans concession et son sens des responsabilités face à l’usage qui était fait de ses œuvres dans les magazines (il a toujours réclamé le droit au contrôle éditorial direct de ses photos, qu’il s’agisse de la maquette, des légendes ou d’exposition).Né à Wichita (Kansas) d’une famille pauvre, passionné d’aviation, formé à la photographie à l’université Notre-Dame (Indiana) en 1936-1937, Eugene Smith débarque à New York en 1938. Il travaille d’abord en free-lance pour diverses revues, puis, en 1939, signe un premier contrat avec le grand magazine Life qu’il rompra en 1942 pour y revenir plus tard. D’une façon générale, la notoriété de Smith coïncidera avec le développement des grandes revues illustrées américaines. De 1938 à 1942, Smith acquit une grande réputation, au point d’être, à vingt-trois ans, considéré comme un des meilleurs photographes de presse de l’époque.Au cours du second conflit mondial, il s’engagea à fond. Embarqué comme photographe sur un navire américain, il participa aux raids aériens sur le Pacifique. Les clichés qu’il rapporta forment un des plus impressionnants reportages de guerre sur les affrontements dans cette partie du monde. En 1944, il est avec les marines et photographie les lignes de front des grandes batailles du Pacifique. Il sera d’ailleurs très grièvement blessé à Okinawa.Après la guerre, Smith multiplie interviews, écrits, expositions dans lesquels il insiste toujours sur la responsabilité morale du photographe et du journaliste dans la diffusion des images par la grande presse. Après des hésitations, il accepte à nouveau de travailler pour Life . De 1947 à 1955 se succèdent ainsi la plupart de ses grands reportages qui feront la gloire du photojournalisme. Ses travaux constituent chaque fois de vrais «essais photographiques», des études longues et complexes autant que documentaires et dramatiques sur de grandes expériences humaines. En 1948 il fait un reportage sur Le Médecin de campagne , qui est devenu un classique du genre. Smith a suivi, pendant des mois, le docteur Ceriani dans toutes ses activités de médecin de campagne à Kremling, dans le Colorado. Il s’est imprégné de la vie du médecin, a capté son travail et ses gestes, ses joies, son extrême fatigue, son sens des responsabilités, dans une suite d’images simples et magnifiques. En 1950, il fait un grand reportage sur Le Village espagnol (Deleitosa ) qui sera aussi la référence du genre. En 1951, il donne la série sur Une sage-femme noire (Mande Callen); en 1952, Chaplin au travail et Le Règne de la chimie ; en 1953, Ma Fille Juanita ; en 1954, le très célèbre reportage sur Albert Schweitzer à Lambaréné en Afrique. C’est à la suite de celui-ci que Smith démissionnera définitivement de Life . En 1955, après avoir rejoint l’agence Magnum, il commencera son projet (trop) ambitieux sur la ville de Pittsburgh, dans lequel il s’investira corps et âme pendant plus de trois ans et qui le ruinera, physiquement et moralement. De 1956-1957 à 1970, Smith se lance encore dans divers projets thématiques (sur les malades mentaux à Haïti, sur des «vues de sa fenêtre», sur le Japon contemporain, sur le festival de Woodstock et la génération des années soixante, etc.). De 1971 à 1975, il réalise son dernier grand reportage, plaidoyer passionné et dramatique en faveur des victimes de la pollution industrielle de la baie de Minamata, au Japon. En 1977 et en 1978, Smith donnera des conférences et des cours dans diverses universités américaines mais une crise cardiaque l’emportera.Ses grands reportages ont été publiés dans les magazines de l’époque, surtout dans Life , ou ont donné lieu à des ouvrages. Une première monographie est parue en 1969 chez Aperture, à New York, sous le titre: W. Eugene Smith. His Photographs and Notes ; une seconde, beaucoup plus ample, est sortie chez le même éditeur en 1981: W. Eugene Smith. Master of the Photographic Essay . La série Photopoche (éd. Centre national de la photographie, Paris) a fait paraître un W. Eugene Smith en 1983.
Encyclopédie Universelle. 2012.